ROUGE OCÉAN – Marie-P. NADAL

Publié le par Evy

ROUGE OCÉAN – Marie-P. NADAL

ROUGE OCÉAN – Marie-P. NADAL


L’œuvre est protégée par le droit d’auteur et a fait l’objet d’un dépôt auprès de Copyright-France.
Crédit photos : LH K-rine
Episode 13

Comme il le subodorait, la recherche des empreintes qu’il venait d’effectuer dans sa
cabine ne donna aucun résultat exploitable. Il n’en fut aucunement surpris. Il fallait donc
porter les paris sur le déjeuner en étudiant la gestuelle des passagers. Peu de choix s’offraient
à lui. Il devait connaître les relations entre eux, tissées avant leur embarquement. Ce genre de
plan réclame une complicité qui allait s’afficher sur leur comportement.
Le temps lui manquait, il fallait faire vite avant un nouveau drame.
Halona frappa à sa porte et entra dans la foulée.
— Tu as avancé ? questionna-t-elle en s’approchant de lui.
— Pas vraiment. J’ai des idées, mais aucune vraie piste.
Elle regardait l’étalage de farine et les bandes de ruban adhésif chiffonnées, car stériles
de renseignements.
— Je vais nettoyer mon chantier, t’inquiète pas.
Il n’eut qu’à replier les journaux sur eux-mêmes et le tour était joué.
— Voilà ! Net comme le cul d’un bébé après le bain !
La jeune femme rit de bon cœur.
— Tu parlais d’idées ? reprit-elle.
— Oui. J’ai été formé à l’étude de la gestuelle et je vais l’adapter au déjeuner. Ils
seront encore tous là et je vais pouvoir analyser leur comportement, leurs regards les uns vis-
à-vis des autres. Je vais commencer par les tables qu’occupaient les deux premiers morts. Ça
peut nous servir, crois-moi.
Elle buvait ses paroles, assoiffée de lui.
— J’ai convoqué les toubibs, dit-elle. Ils sont contents d’être invités chez Roy. Ils ne
s’attendent pas à la raison de leur invitation.
Elle s’approcha un peu plus de Scott, l’obligeant à reculer pour se plaquer contre le
bureau telle une affiche au mur.
— On a le temps avant midi, murmura la jolie espiègle.
— Ah ! s’exclama Scott. Bien conscient des réjouissances qu’allait lui proposer la
belle Indienne.
Il reprit :
— On devrait pas en profiter pour interroger quelques passagers ?

— Ils ne comprendraient pas pourquoi on les interroge. On serait obligés de leur dire
qu’il y a des tueurs sur le bateau. Ça ferait désordre.
En disant ça, elle passait ses mains sur le buste du pauvre homme qui commençait à
annoncer « présent » de son membre encore à l’abri dans son short.
— Tu as raison, répondit-il, en la prenant par la taille.
L’amour honora le bureau…puis le sol, pour terminer sa séance sur le lit.

*****

C’est avec un sourire non dissimulé, que le désormais couple se présenta dans le
bureau du commandant. Les quatre médecins et Roy étaient déjà attablés, prêts à en découdre
avec un tourteau servi en entrée.
— Ah ! Voici nos derniers invités, informa le chef de bord. Asseyez-vous, je vous en
prie ! Laissez-moi vous présenter les docteurs Di Maggio, Willis et Barlow. Vous connaissez
déjà notre médecin de bord.
Scott salua les invités, et s’excusa de ne pouvoir rester.
— Roy, je suis désolé, je ne peux pas déjeuner avec vous tous, j’ai à faire dans la salle
à manger, Halona vous expliquera.
— Mais !
— Je le débrieferai, commandant. Ne vous inquiétez pas, rassura la directrice de
croisière.
Ce dernier n’insista pas. Sa confiance en l’enquêteur était sans failles.
— Faites ce que vous avez à faire, dit-il simplement. Nous ferons de même ici.
Scott opina d’un hochement de tête et sortit, non sans un clin d’œil vers son amie.

*****

La salle à manger se remplissait peu à peu de ses utilisateurs. Scott épiait les deux
tables voisines qui avaient accueilli le colonel et le sergent. Le professeur, quant à lui, avait
été placé à une autre table, légèrement à l’arrière et entre les deux premières.
Observer les passagers n’était pas chose facile. Il ne pouvait se permettre de rester
statique sans se faire remarquer. Son plan était donc de passer devant chaque table, comme
s’il allait rejoindre la sienne, de laisser traîner son regard sur chaque personne et par la suite,
monter au premier niveau et se poster sur la balustrade pour avoir une vue d’ensemble.
La chance était finalement avec lui, les trois tables n’étaient pas éloignées l’une de
l’autre, il lui fut aisé d’avoir un plan rapproché. Les passagers concernés parlaient entre eux et
ne lui prêtèrent aucune attention. Scott avait encore leurs noms et leurs liens en tête, selon leur
emplacement. Son regard se posa sur un groupe de six personnes faisant partie d’un club
d’échecs. Trois hommes et trois femmes, n’ayant apparemment aucun lien affectif.
Quelques couples et deux femmes voyageant seules. Sans oublier, bien sûr, la place
laissée par la veuve du sergent, incapable de manger quoi que ce soit.
Il était convaincu d’être au beau milieu des meurtriers. Il en était certain.

Il grimpa, comme prévu, au premier niveau et s’appuya contre la balustrade. Dix
minutes passèrent. Un détail le frappa comme une gifle. L’évidence se dévoila à ses yeux. Les
trois tables qu’il observait formaient un triangle.
Une des femmes solitaires se leva soudain et se dirigea d’un pas leste vers la sortie.
Scott descendit au pas de course pour la suivre.
Elle avait disparu alors qu’il arrivait à la porte de sortie. Le nombre de coursives et de
directions différentes et opposées rend les filatures quasiment impossibles. Il l’avait perdue.

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